VITREUSES (ROCHES)

VITREUSES (ROCHES)
VITREUSES (ROCHES)

L’état vitreux, thermodynamiquement instable, ne se rencontre dans la nature qu’exceptionnellement à la faveur du refroidissement rapide de roches fondues initialement à température élevée. Un certain nombre de verres naturels ont pour origine des phénomènes externes. Par exemple, l’impact des météorites amène sur le sol lunaire la formation de globules vitreux de taille millimétrique; les tectites terrestres ont une origine analogue. On peut également citer les fulgurites, dues à l’effet de la foudre sur les sables désertiques, ainsi que les roches vitrifiées par l’activité humaine (incendies de mines, explosions atomiques...). Dans tous ces cas, la nature du verre reflète pour l’essentiel la nature du matériau affecté, et peut donc être très variée. Cependant, dans leur grande majorité, les roches vitreuses terrestres ont une origine interne, et dérivent de magmas silicatés dont la possibilité de passer à l’état vitreux et de le conserver plus ou moins longtemps dépend de manière caractéristique du type de volcanisme considéré.

Composition chimique et propriétés physiques

On peut diviser les roches vitreuses en deux grands ensembles, assez différents par leurs propriétés et leur composition: les verres acides et les verres basiques.

Verres acides

Les verres acides, dont la composition est généralement proche de celle des granites, comprennent les obsidiennes , pratiquement anhydres, et les rétinites (ou pechsteins ), qui peuvent contenir à l’analyse jusqu’à 5 p. 100 d’eau en proportions pondérales. On peut y rattacher les ponces plus ou moins vacuolaires et les tufs acides qui parfois se ressoudent en roches compactes (ignimbrites). Le qualificatif le plus précis serait en toute rigueur celui de verres silico-alumineux sodi-potassiques. L’indice de réfraction de ces verres est de l’ordre de 1,4 à 1,5, la masse volumique de 2,3 à 2,4 et la dureté de 5 à 6, tous ces paramètres dépendant beaucoup de la teneur en eau. L’aspect des obsidiennes est très typique, avec une coloration généralement noire et une cassure conchoïdale caractéristique; les rétinites ont des teintes plus variables, souvent jaune verdâtre, un aspect cireux et un débit fréquent en éléments sphériques (perlites ).

Verres basiques

Les verres basiques, chimiquement proches des basaltes et des andésites, sont souvent désignés par les termes de tachylites ou de sidéromélanes . Ce sont des matériaux plus denses (de 2,7 à 2,8), plus réfringents (de 1,6 à 1,7), caractères qui se rattachent évidemment à leur plus faible teneur en sodium et surtout en potassium, et corrélativement à leur richesse en calcium, magnésium et fer. Ce sont, au sens des verriers, des verres silico-alumineux calciques et ferro-magnésiens. La couleur est très sombre sur les échantillons macroscopiques; les fines esquilles et les poudres restent jaunes ou brunes, à la différence des obsidiennes, transparents sous une faible épaisseur et qui donnent une poudre blanche d’aspect identique aux ponces.

Structure et stabilité

Verres acides

Les obsidiennes ont essentiellement la composition d’un mélange de feldspaths et de quartz, c’est-à-dire de tectosilicates. Leur structure peut être comparée à celle du verre de silice, tous les tétraèdres, Si4 et Al4, étant unis par leurs quatre sommets; les cations interstitiels interviennent surtout pour équilibrer les Al3+, et ne jouent pas le rôle de modificateurs de réseau comme dans un verre silicosodique. Le rapport O/(Si + Al) – en nombre d’atomes – est très voisin de 2, et il s’agit donc de structures assez stables. Il est impossible de faire recristalliser à sec les obsidiennes, même par des traitements thermiques de longue durée. Par contre, en présence d’eau sous pression, la réaction est très rapide: quelques jours à 500 0C, quelques semaines à 200 0C. Ce phénomène est lié à l’influence considérable de l’eau de constitution sur la structure des verres acides et paraît en contradiction avec l’existence de rétinites permiennes ayant de 5 à 6 p. 100 d’eau. En fait, il semble bien démontré, en particulier par les analyses isotopiques du rapport D/H, que l’eau des rétinites résulte d’une hydratation secondaire. La plus grande partie de cette eau peut être éliminée par un chauffage progressif vers 500 0C; il subsiste alors à peu près de 0,2 à 0,3 p. 100 d’eau fortement liée, qui ne s’élimine que vers 700-800 0C et qui représente vraisemblablement la teneur initiale de la lave, tout à fait comparable en quantité et en comportement à celle des obsidiennes. Dans les séries anciennes, à la faveur de circulations hydrothermales ou de phénomènes métamorphiques, les obsidiennes se dévitrifient en donnant souvent des structures micropegmatitiques ou des «sphérolites» à structure radiée, développés à partir de germes prééxistants. Ces pyromérides peuvent avoir un aspect très spectaculaire lorsque les sphérolites atteignent un diamètre de plusieurs centimètres ou que la roche prend une teinte rouge due à la présence de fer ferrique.

Verres basiques

Les verres basaltiques s’écartent beaucoup du modèle du verre de silice et se rapprochent nettement des verres industriels courants. En effet, la fraction feldspathique ne représente que de 50 à 60 p. 100 de la composition globale, le reste ayant la composition de pyroxènes additionnés ou non d’olivines. Comme, dans ces deux types de minéraux, le rapport O/Si est respectivement de 3 et de 4, on voit que, dans l’ensemble, les verres basiques ont un rapport O/(Si + Al) égal ou supérieur à 2,5. Il s’agit donc de composés beaucoup moins stables que les obsidiennes, en raison de l’importance des cations modificateurs de réseau, qui sont surtout Ca, Mg, Fe2+. Par chauffage à l’air libre de tachylites, on observe très facilement une recristallisation, déjà sensible à 400 0C et extrêmement rapide à 800 0C. L’examen au microscope électronique montre, dans ces verres apparemment homogènes, un début d’organisation, avec ségrégation de domaines siliceux de 200 à 300 nanomètres, réunis par une phase plus riche en cations divalents. En présence d’eau, ce ciment se dissout très facilement, en libérant des sphérules silico-alumineuses, surtout lorsqu’il y a drainage intense et qu’on est en présence de gaz carbonique.

Conditions de gisement et formation

Volcanisme aérien et volcanisme sous-marin

Les verres basaltiques, d’après ce qui précède, ne peuvent manifestement apparaître et subsister qu’à la faveur de circonstances exceptionnelles. Dans le volcanisme aérien, seules les surfaces de coulées et les projections peuvent subir une trempe assez rapide pour demeurer vitreuses. Cette frange de verre ne dépasse guère quelques millimètres; les seules formations uniquement vitreuses sont donc des pyroclastites assez exceptionnelles dans ce genre de volcanisme. Par ailleurs, ces produits sont très altérables, d’une part en raison de leur composition chimique et de leur structure, d’autre part en raison de leur gisement en amas non cohérents et finement divisés. Par contre, dans le volcanisme sous-marin, le refroidissement par l’eau est beaucoup plus intense. Une partie du liquide basaltique est pulvérisée en gouttelettes plus ou moins mêlées aux sédiments (hyaloclastites). Dans les pillows et à la surface des coulées, la zone vitreuse peut atteindre une dizaine de centimètres, et représenter une fraction notable des produits émis, comme l’ont montré les observations in situ et les carottages profonds. Ces verres basaltiques ont un grand intérêt pétrologique, car ils réprésentent d’excellents témoins des magmas primitifs, non affectés par les ségrégations précoces de phases cristallisées. Cependant, là encore, l’altération de ces verres est assez rapide. Les échanges d’ions avec l’eau de mer (gain de K, perte de Si, Mg, Ca) et l’apparition de minéraux néoformés (argiles, carbonates, zéolites) constituent le phénomène de «palagonitisation», dont on peut suivre le développement progressif au cours du temps, ce qui peut être une mesure du taux d’expansion des dorsales.

Les obsidiennes

Les obsidiennes, par contre, ont une probabilité d’existence beaucoup plus forte. Tout d’abord, lorsque les magmas granitiques arrivent en surface, c’est généralement parce qu’ils sont pauvres en eau et très visqueux; les coulées d’obsidiennes peuvent former des masses importantes éventuellement associées à des ponces. De plus, leur viscosité très élevée, liée à leur structure en réseau tridimensionnel, empêche pratiquement toute recristallisation malgré la lenteur du refroidissement de ces masses. Enfin, l’altération est beaucoup plus lente, avec surtout élimination des alcalins, et elle est de plus considérablement freinée par le caractère très compact des structures à l’affleurement. On connaît ainsi de très belles coulées d’obsidiennes, en particulier à Lipari, à Pantelleria, au Mexique (rhyolites) ainsi qu’à Vulcano (trachytes) ou aux Canaries (phonolites). Les propriétés particulières de ces roches les ont fait utiliser comme matière première dans les industries lithiques évoluées, et en particulier dans des civilisations historiques comme celles des Aztèques ou des aborigènes australiens.

Les ponces

Les ponces résultent de l’éruption brutale de magmas généralement rhyolitiques ou dacitiques assez riches en fluides dissous. Au cours de la décompression, ces fluides s’individualisent sous forme de bulles qui font expansion et peuvent même faire éclater les parois qui les séparent. Si les fragments divisés sont projetés dans l’atmosphère, ils se consolident en cendres peu cohérentes, rapidement éliminées par érosion. Dans certains cas, ils continuent à être entourés de gaz volcaniques chauds jusqu’au moment de leur dépôt, et peuvent alors se ressouder en raison de leur plasticité («tufs soudés» ou ignimbrites). Les émissions de ponces constituent un cas intermédiaire, et forment des accumulations d’éléments arrondis de dimension centimétrique à décimétrique. Toutes ces roches acides à dominante vitreuse correspondent à des éruptions de nature catastrophique. Aussi l’étude de verres non évolués, représentatifs des «magmas frais», est-elle un des points importants de la volcanologie.

Datation

Deux méthodes permettent de déterminer l’âge d’épanchement des roches éruptives vitreuses: la méthode K-Ar (potassium-argon) et celle des traces de fission [cf. GÉOCHRONOLOGIE].

La méthode K-Ar semble d’un emploi pratiquement limité à certaines roches vitreuses continentales non altérées. En effet, une hydratation secondaire trouble le chronomètre K-Ar (rajeunissement de l’âge K-Ar), ce qui élimine la possibilité de datation de la plupart des verres océaniques. D’autre part, pour les roches d’âge inférieur ou égal à (0,5-1) 憐 106 ans, l’argon 40 hérité (c’est-àdire produit au sein de la roche avant émission, et piégé dans le verre volcanique au cours de son refroidissement) peut devenir prépondérant, ôtant toute signification à l’âge K-Ar.

Le spectre d’âges couvert par la méthode des traces de fission est plus large puisque des roches n’ayant que quelques milliers d’années peuvent déjà être datées. Par ailleurs, bien que la stabilité des traces de fission spontanée de l’uranium 238 soit affectée par hydratation secondaire, et ne soit pas totale dans les conditions thermiques ambiantes, il est aisé de corriger ces effets dans la détermination d’un âge «traces de fission». La méthode des traces constitue donc en particulier un excellent outil pour la détermination de l’âge des roches vitreuses océaniques, seul moyen d’évaluation de la vitesse locale de l’expansion du fond océanique.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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